Le patrimoine au service de l'enseignement de l'histoire
  Mémoire CAFIPEMF de Danièle DELORY, coordonnatrice du projet, directrice de l'école de MONTCUQ
Expériences sur la pédagogie du patrimoine
Evaluation, critique et perspectives
Bibliographie
 
SOMMAIRE
 

Introduction                                                                                                 

A/ Apprendre  l’histoire ou les difficultés de son enseignement                                 

 

1.      Le point de vue de l’apprenant                                                                                             

2.      Le point de vue de l’enseignant                                                            

3.      Pourquoi enseigner l’Histoire malgré tout ?                                        

 

B/ Le patrimoine au service de l’enseignement de l’Histoire                                       

 

1.      Le patrimoine, un axe fort de la politique culturelle de l’Ecole          

1)      Les programmes de 1995                                                         

2)      Les programmes de 2002                                                         

3)      Le Plan pour les arts et la culture à l’école 2001/ 2005           

 

2.      Le patrimoine ou l’histoire d’une lente prise de conscience                

1)      Patrimoine et enjeu politique                                                    

2)      Patrimoine et éducation : « les classes du patrimoine »          

3)      Le patrimoine au service de la construction de l’enfant          

 

3.      La pédagogie du patrimoine au carrefour de l’interdisciplinarité        

1)      La découverte sensible                                                              

2)      L’approche par les arts                                                             

3)      Analyse et institutionnalisation                                                

4)      Production et communication                                                   

  C/Expériences sur la pédagogie du patrimoine :

Des itinéraires culturels de découverte au service de l’apprentissage de l’Histoire       

                           

    1/      La ville au Moyen Age                                                                              

    2/  Les grands axes de communication au Moyen Age 

      3/ L’Eglise au Moyen Age                           

                                                           

D/ Evaluation, critique et perspectives                                                                          

E/ Bibliographie                                                                                                                

F/ Annexes

 
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Introduction
 

L’Histoire , tout comme la Géographie, est plus qu’une discipline scolaire. Leur connaissance fait de celui qui les possède un homme de culture, de pouvoir et de décision. On a pu lire que la géographie servait d’abord à faire la guerre*( toutes les avancées de la cartographie ont été menées par des militaires et des chefs d’état en mal de conquêtes). On a souvent vu que des pays qui basculaient dans le totalitarisme remaniaient rapidement les manuels d’Histoire à l’usage des élèves , glorifiant les héros du passé qui incarnaient leurs  valeurs et servaient leur cause ou faisant disparaître ceux qui la desservaient et qui pouvaient laisser supposer qu’on puisse s’opposer au régime en place.

             Faire comprendre l’Histoire ou la Géographie sont des enjeux politiques  et éducatifs de taille car ils permettent à l’élève puis à l’adulte de comprendre le présent ( le fonctionnement de son pays , de ses institutions, les valeurs qu’il défend, ses choix politique, économique, social et culturel, les liens qui l’unissent à d’autres pays, les combats qu’il  mène) mais aussi le passé , c’est-à- dire, l’ensemble des choix faits par les peuples successifs qui ont occupé notre territoire et qui ont construit notre pays. Comprendre l’ Histoire , c’est prendre conscience que nous ne faisons que continuer une histoire que nous avons reçu en héritage.

            Faut-il raconter l’Histoire comme on l’a fait longtemps dans les écoles et/ou l’apprendre  dans les manuels (souvent bien faits ) qui ont peu à peu remplacé les dessins de nos « ancêtres les Gaulois » ou de « Jeanne d’Arc brûlant sur le bûcher » par des documents réels , fruits des recherches des archéologues ou des chercheurs (armures, bijoux, chartes des villes….). Ces approches, quoique intéressantes et encore souvent utilisées, ne sont pas suffisantes pour faire pénétrer l’élève au cœur de l’Histoire et le rendre conscient des rôles qu’il doit y jouer. L’ Histoire est avant tout dans le présent ,  dans la ville, dans la région et dans les décisions qui se prennent tous les jours.  Partir de ce qui entoure l’élève , l’aider à déchiffrer autour de lui toutes les traces que l’homme a laissées, mener une enquête pour que le paysage, l’architecture de sa ville lui révèlent les secrets et les mystères de leur évolution et des choix politiques qu’ils traduisent semblent mieux convenir à l’élève chez qui la curiosité a été éveillée et qui est en quête de réponses.

            L’étude que nous avons conduite dans le cadre de ce mémoire propose une  approche de l’Histoire par l’entrée dans le patrimoine historique et artistique dont nous méconnaissons l’importance et la valeur de témoignage.

            Les exemples choisis  intéressent surtout une période , celle du Moyen Age, car ils répondent à une recherche menée dans le cadre d’un projet européen dont l’objet est l’étude du patrimoine sur les grands itinéraires médiévaux. Mais cette approche peut s’appliquer à toutes les périodes de l’ Histoire.

            Cette étude ne prétend pas proposer de modèle mais plutôt l’état d’une recherche dont il conviendra d’en  évaluer l’intérêt et l’impact auprès des élèves , sur la  construction de leurs  savoirs et également sur la construction de leur être tout entier.

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Apprendre l'histoire ou les difficultés de son enseignement
 

 Quelles difficultés le professeur rencontre-t-il dans son enseignement de l’Histoire aujourd’hui ? Que veut-il que les élèves apprennent et qu’est-ce que les élèves apprennent effectivement, qu’est-ce qui leur reste de leur apprentissage de l’Histoire ?

  1.      Le point de vue de l’apprenant

Si on interroge des élèves quelques temps après le baccalauréat, alors qu’ils viennent de subir une lourde épreuve d’Histoire, on est étonné de ne pas trouver chez eux  la culture historique qu’ils étaient sensés avoir acquise à la fin de leurs études secondaires. Que s’est-il passé ? Il y a eu pour la plupart accumulation de connaissances, mémorisation superficielle de courte durée, le temps de la classe de Terminale et puis, très vite, oubli après l’examen, réaction de rejet face à ce trop plein de savoirs que l’élève n’avait pas pris le temps d’organiser, de trier, de ranger, de mettre en relation pour se l’approprier et  le transformer en culture personnelle réinvestissable en dehors de toute épreuve.

En fait, l’apprentissage d’authentiques concepts historiques tel que le décrit B. Mari Barth dans L’apprentissage de l’abstraction, (Retz, 1987) n’a pas pu  se mettre en place car elle demande du temps, des retours en arrière, des confrontations, de l’esprit critique. Or souvent l’élève de terminale est un consommateur intéressé non pas tant par l’intérêt que représente l’Histoire mais pour les points que l’épreuve peut rapporter au baccalauréat. Le cours magistral qui  est dispensé à l’élève lui convient : il reçoit en un minimun de temps un maximun d’informations sélectionnées pour lui, dans l’optique de l’examen, qu’il n’a plus qu’à prendre en notes et à mémoriser.

2.      Le point de vue de l’enseignant

Cette situation ne semble même plus « idéale » aujourd’hui. L’enseignant du collège et du lycée se rend de plus en plus compte que le discours qu’il adresse aux élèves n’est plus automatiquement recevable par eux : le registre de langue n’est plus partagé,  le vocabulaire employé est souvent incompris, les codes culturels ne sont pas identiques.

D’où souvent l’incompréhension et le désintérêt des uns et le désarroi , le doute sur la validité de leur enseignement chez les autres.

3.      Pourquoi enseigner l’Histoire malgré tout ?

Il nous faut réfléchir, avant d’essayer d’apporter des solutions à ce malaise et à ce constat d’inefficacité, à nos propres représentations de l’enseignement de l’Histoire.

Il s’agit souvent de faire acquérir à l’élève une connaissance du passé basée sur des « faits » : événements mais aussi institutions, croyances, techniques…, des concepts qui ne sont pas toujours bien définis en raison de leur complexité, la maîtrise d’un vocabulaire spécifique et des savoir-faire : commenter une carte ou un graphique, expliquer un texte ou la photo d’un paysage. Mais bien souvent on s’aperçoit que les faits restent éparpillés dans les mémoires, que si les élèves savent s’exprimer à partir d’un document, ils n’ont pas forcément une bonne compréhension ni une vision globale de la période historique qu’ils  étudient.

Que faut-il apprendre en Histoire ? A quoi servent ces repères historiques, la connaissance de ces grands personnages, de ces  événements qui ont à maintes reprises bouleversé l’organisation des sociétés passées ?

 Le point commun de ces périodes historiques est qu’elles ont toutes modelé nos paysages d’aujourd’hui, nos villes, nos institutions, notre économie, nos valeurs, notre langue et même notre façon de penser. Chaque rupture,  changement de société est né d’une situation de crise que les hommes ont dû résoudre (invasions ou trop grande disparité entre classes sociales). Il est nécessaire pour chaque citoyen d’avoir conscience à la fois de ces évolutions, de ces ruptures et malgré tout de la pérennité de certaines choses : le rôle important de l’économie ou du sacré à toutes les strates de l’Histoire. 

La nation dans laquelle nous vivons est le résultat de toutes ces mutations qui se sont opérées au fil du temps. Apprendre à les reconnaître, c’est à la fois pour l’élève découvrir d’où il vient, de quel héritage il  est porteur en naissant  mais c’est aussi pouvoir se fondre dans une communauté qui partage cette même histoire,  acquérir ce qu’on a appelé une « identité nationale » dans une période où les jeunes générations cherchent de plus en plus de repères et être capable de devenir un citoyen actif, capable d’esprit critique et de jugement. L’indépendance à laquelle tous aspirent ne peut passer que par la connaissance de leur Histoire qui leur assurera un ancrage solide dans le présent.

 

 Comment peut-on arriver à une conscience citoyenne qui s’appuie sur de réelles connaissances historiques ? Pour que ces différents objectifs soient atteints, il faut donc repenser la pédagogie de cette discipline.

Dans la conception de l’enseignement que nous avons décrite précédemment, c’est surtout l’enseignant qui agit et l’élève qui demeure passif, subit cette méthode transmissive de l’enseignement héritée du Moyen Age à une époque où les livres étaient rares et l’accès aux documents réservé à une élite savante. C’est l’enseignant qui possède la connaissance et qui essaie la transmettre.

D’autres méthodes d’apprentissage basées sur la recherche en sciences de l’éducation et en psychologie cognitive à partir des travaux de Bachelard, Piaget, Bruner et Vigotsky mettent réellement « l’élève au cœur du système éducatif » et le rendent « acteur de sa formation »  en partant des principes que :

-         apprendre, c’est  avoir un projet

-         c’est construire un savoir à partir de ce que l’on sait déjà ou croit savoir en      modifiant ses  représentations initiales

-         tout apprentissage relève d’une activité réelle du sujet. ( Il y a eu parfois des dérives dans l’application  de ce principe notamment dans la pédagogie par objectifs : il ne suffit pas de savoir lire une carte ou construire un graphique  pour comprendre ce qu’est la notion d’exode rural ou de croissance démographique. Pourtant l’enfant a été en action lorsqu’il a effectué toutes ces tâches).

 La mise en projet est essentielle pour l’entrée en apprentissage de l’élève. Si, en Histoire et dans beaucoup d’autres disciplines, l’élève ne ressent pas le besoin de comprendre, de chercher, de communiquer ses résultats, il n’entre pas dans le processus d’apprentissage. Il faut donc que l’enseignement réponde à un besoin.

L’étude du patrimoine nous semble un passage obligé pour permettre à l’élève de poser un regard neuf sur ce qu’il a tous les jours autour de lui et  lui donner du sens, c’est à dire comprendre pourquoi et comment ceux qui l’ont précédé ont façonné le paysage de cette manière, en fonction de quels besoins , en tenant compte de quelles contraintes géo-climatiques, comment ils ont construit tel monument pour répondre à quel besoin essentiel au moment où il a été érigé, pourquoi ils ont choisi telle organisation spatiale de leur village ou de leur ville et en fonction de quelles préoccupations économiques ou de quel climat de paix ou de troubles.

  Partir du patrimoine invite les élèves à comprendre que l’Histoire n’est pas que dans les livres, les manuels ou dans la parole du maître « qui sait » mais avant tout vivante dans le présent, dans les traces, les signes qu’il faut décrypter pour la rendre lisible et accessible. La lecture du patrimoine permet de saisir l’évolution des sociétés , de saisir les valeurs qui les ont sous-tendues et de pouvoir les comparer avec les choix de la société actuelle au travers des travaux, des monuments phares qu’elle engendre. Pont entre le passé et le présent, l’étude du patrimoine se révèle être un outil performant au service de la construction de l’Histoire mais aussi de celle de l’enfant . 

Intéressons-nous maintenant à  la place qu’occupe le patrimoine dans la politique culturelle de l’école, ce que recouvre cette notion qui s’est  construite au fil du temps et enfin quels sont les principes sur lequel repose la pédagogie du patrimoine à la croisée d’autres disciplines enseignées à l’Ecole.

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Le patrimoine au service de l'histoire
 

1- Le patrimoine, un axe fort de la politique culturelle de l’école

  A côté des savoirs fondamentaux lire, écrire, compter que l’Ecole doit faire acquérir, l’ouverture culturelle qu’elle offre à chaque élève est devenue un des objectifs majeurs de l’éducation. Car, à quoi peuvent servir ces outils que sont la lecture et l’écriture s’ils ne sont pas au service de  l’acquisition d’une culture non plus réservée à une élite mais à tous qui leur permettra de prendre leur juste place dans le monde d’aujourd’hui..

L’Histoire et le patrimoine qui en témoigne font partie de cette culture citoyenne qui contribue à la construction de l’élève et à son insertion dans la société.

Examiner la place qu’occupe l’étude du patrimoine dans les programmes de 1995 et les nouveaux programmes de 2002 nous permet, si besoin est, d’en mesurer l’importance. 

1)      Les programmes de 1995 

Leur lecture nous précise le rôle  que peut jouer l’étude du patrimoine dans le développement de l’élève. Dès l’école maternelle, « l’école a un rôle irremplaçable d’initiation au monde et à la culture. L’enfant y découvre le monde proche, celui de la vie et des objets. Il apprend à le connaître et à le respecter. Il le décrit, raconte ses aventures et ses rencontres. Il pose des questions et cherche des réponses ». 

a)      C’est dans les domaines de la  découverte des espaces naturels et humains (Géographie) et le  temps qui passe  (Histoire) que nous trouvons des éléments d’étude du patrimoine.

  •     Appréciations visuelles des formes et des dimensions.
  •      Découverte, observation, description de la nature et de l’environnement proche.
  •     Identification de milieux diversifiés : campagne, ville, cours d’eau, mer, montag
  • Observation de constructions humaines : maisons, commerces, routes…
  •       Découverte et observation du patrimoine proche : site ou objet conservé dans la ville, dans le quartier, dans la famille.

( On peut noter ici le sens réducteur donné au mot « patrimoine » :  fait partie du patrimoine  ce qui a fait l’objet d’une attention particulière, a  été volontairement conservé. Or, le patrimoine n’est pas que ce qui fait l’objet de préservation et de conservation, il est partout dans l’environnement proche de l’enfant).                                         

Ces quatre derniers points permettent déjà une sensibilisation au patrimoine environnant, présent dans le village ou la ville de l’élève. 

b)      Dans le domaine des arts, « imaginer, sentir, créer », l’enfant, dès la Maternelle, peut exploiter les éléments qui l’entourent pour :

  •     « développer sa sensibilité, son imagination, sa capacité de créer, ses facultés d’attention, son esprit critique ».

Le patrimoine est un grand pourvoyeur de formes, de couleurs, d’odeurs, de matières et de matériaux. Le fonctionnel se marie à l’artistique, le technique à l’économique. Le décoratif n’existe pas, il signifie, et les formes employées, codifiées socialement et symboliquement, sont d’une grande richesse pour l’imaginaire des enfants.

  •     « Les démarches actives qui s’inscrivent dans les interactions entre voir, entendre, toucher, sentir, ressentir, faire et échanger » sont celles que choisit l’enseignant pour faire découvrir le patrimoine dans ce qu’il a de sensible et d’unique.

c)      Dès l’école maternelle jusqu’au cycle III et même au collège et au lycée, l’étude du patrimoine permet donc d’aborder des « notions essentielles à la compréhension du monde » et à la culture léguée par les hommes . Comment les traces du passé sont-elles présentes dans notre présent, ici et maintenant ? Comment l’espace dans lequel nous vivons aujourd’hui est-il porteur d’Histoire ? Comment ce passé s’inscrit-il dans la dynamique du présent ?

On demandera au cycle III, non seulement d’être sensible et de s’interroger sur ce patrimoine mais « d’agir sur lui en personne libre et responsable, être présent et actif au sein de la cité », de s’intéresser à la « protection du patrimoine naturel et culturel » dans le cadre de l’éducation civique car la connaissance rend obligatoirement l’élève, cet adulte en devenir, plus responsable face aux choses et aux événements. 

2)      Dans les nouveaux programmes de 2002 

a) dans le domaine de l’Histoire au cycle III, nous remarquons que les auteurs soulignent la nécessité de se « construire une première intelligence du temps historique et de la diversité des espaces transformés par l’activité humaine… d’acquérir les références culturelles nécessaires pour que le monde prenne sens pour lui ».

 Ces références culturelles, l’élève les acquiert à partir de traces, dont l’étude est la spécificité de l’Histoire, à partir de documents, monuments ou écrits, dont il doit apprendre à donner la nature, les caractéristiques, la date, le nom de l’auteur, à en expliquer l’existence et le rôle qu’il a joué.

Ensuite vient « l’élargissement nécessaire vers d’autres cultures, d’autres espaces qui  permettra un renforcement de l’identité de l’enfant », à condition toutefois qu’il ait eu le temps de se forger une connaissance de son propre héritage patrimonial. Le contact direct, la relation individuelle avec des monuments, reflets d’une époque, sera à même de consolider cette identité. 

b) L’étude des paysages et des cartes  prend une place plus importante dans l’enseignement de la géographie dans la mesure où elle permet de partir tout d’abord du vécu proche (ce que nous avons sous les yeux ou pas très loin de l’école ou dans la ville la plus proche) pour être à même de le comparer à des images, des photos, des diapositives de paysages plus éloignés et inconnus.

Ces paysages modelés par l’homme - il n’y a plus de paysage naturel en Europe et encore très peu dans le monde - portent la marque des activités humaines (agriculture, commerce, industrie, voies de communication et moyens de transport). Il importe que les élèves arrivent à déchiffrer ces traces de l’organisation des hommes, à les décrire,  les expliquer,  les comparer,  les comprendre et  porter un jugement critique sur elles.

c) Dans le domaine de l’éducation artistique et des arts visuels notamment, une attention nouvelle est apportée à l’architecture et au paysage, l’architecture n’étant pas comprise comme « l’art de dessiner les maisons » (définition d’élève) mais comme une réflexion sur la place que doit occuper un monument dans la cité (rupture ou continuité ?) , sa fonction, son rayonnement.

Cet intérêt de l’éducation artistique  pour ces deux nouveaux champs exploratoires doit générer :

  •   une pratique créative : on regarde, on s’interroge pour construire.             
  •   une rencontre avec des œuvres  : se frotter à divers types d’urbanismes, de choix d’architectes
  •    une acquisition de savoir-faire  : on apprend en faisant. Les ateliers artistiques proposés dans la classe patrimoine de Cahors favorisent la rencontre des élèves avec un professionnel des arts appliqués (maître verrier ou calligraphe) qui les aide à réaliser un projet en les initiant à son art : connaissance des outils et des matériaux spécifiques, procédés et techniques, réalisation du projet de l’élève.

L’éducation au regard est un point fort de ces nouveaux programmes qui, dans le cadre l’éducation au patrimoine, amène à une compréhension de ce qui nous entoure : le monument s’inscrit dans un paysage dont il faut apprendre à repérer les contours, les limites, à discerner le maillage, la densité, les couleurs, mais aussi les relations que les différentes parties entretiennent entre elles.

Cette éducation au regard qui part du paysage vécu, devient croquis, photographie pour aboutir à la réalisation d’une maquette vise avant tout à faire comprendre les liens qui unissent les diverses composantes d’un paysage, les contraintes du lieu qu’il a fallu gérer et les choix politiques, sociaux et économiques qui ont été faits.

 

d) Enfin, les nouveaux programmes insistent sur la place de la maîtrise de la langue qui traverse toutes les disciplines et qui s’enrichit grâce à elles.

 Les activités de découverte du patrimoine menées de la Maternelle au Cycle III sont riches d’échanges oraux, d’écrits qui rendent compte des observations menées, des impressions ressenties, des réflexions et des pensées qu’élaborent les élèves au contact des œuvres du passé. La maîtrise de la langue trouve ici un terrain favorable à un travail précis : nommer, décrire, expliquer le fonctionnement, imaginer la vie de ces lieux et la vie dans ces lieux, rechercher et lire des documents s’y rapportant, rechercher et réécrire des légendes ou des histoires auxquelles ils ont donné naissance, écrire des poèmes.

Parallèlement un travail plus littéraire peut être mené au contact de textes, d’écrits contemporains aux monuments étudiés : lecture d’extraits du Roman de Renard associés à l’étude du monde rural en Quercy, d’une Chanson de Geste à un travail sur le château fort,  des Lettres Persanes de Montesquieu pour une évocation de la ville et des salons au XVIII°siècle ou d’un passage de Zola pour l’étude d’une gare ou d’une mine.

3)      Le plan pour les Arts et la culture à l’école 2001/2005 

Cet aperçu des programmes a permis de montrer que :

-         la connaissance du patrimoine reste un élément essentiel pour que l’élève se construise une identité et ait le sentiment d’appartenir à une communauté riche d’une Histoire dont il doit transmettre la mémoire. Elle doit permettre une prise de conscience du rôle que tout citoyen peut jouer dans la préservation de ce patrimoine et aussi dans la valorisation et l’intégration  de celui-ci dans une politique intelligente de la ville aujourd’hui.

-         l’Histoire et la Géographie sont deux disciplines qui prennent vie et sens si on les aborde par l’angle du patrimoine.  Partir de l’étude du patrimoine pour arriver à une sensibilisation puis à  une construction de l’Histoire et de la Géographie est prescrit et conseillé dans  les anciens et nouveaux programmes.

-         l’éducation artistique si elle est appliquée à l’étude du patrimoine s’enrichira des apports de celle-ci mais aussi permettra, par les pratiques créatives qui la caractérisent, de mieux faire sentir et vivre l’Histoire de l’intérieur.

Il nous semble important maintenant de rappeler l’évolution historique de cette idée du patrimoine dans la conscience nationale et internationale et de définir clairement ce que ce mot recouvre afin de mieux appréhender la richesse du champ d’investigation qui est offerte aux élèves et aux enseignants.  

2. Le patrimoine : histoire d’une  prise de conscience

De la découverte du patrimoine à son entrée  à l’Ecole 

1)      Patrimoine et enjeu politique

Qu’est-ce que le patrimoine ?

A cette question, les collègues d’un stage auquel j’ai participé en 1998 ont répondu en évoquant la notion d’héritage, de biens légués par nos pères. Cette conception est accompagnée de son corollaire : la protection de ce patrimoine. Cette définition correspond à celle du Dictionnaire historique de la Langue Française (Robert) : « ce qui est transmis à une personne, à une collectivité par les ancêtres, les générations précédentes  (1823)». Elle comprend deux aspects : elle désigne les biens de famille, hérités des ascendants et aussi l’ensemble des biens qui appartiennent au domaine public et qui participe à l’identité même de cette nation.

Sous l’Antiquité romaine, le patrimoine avait très vite représenté à la fois « l’ensemble des biens hérités du père » (terres, immeubles, bâtiments d’exploitation, esclaves et œuvres d’art) qui ,par cette transmission, créait la notion de lignée et d’identité, mais aussi le « bien public », bien qui appartient à la couronne, à l’empereur qui  le transmettra à un héritier choisi (II°siécle).

Au Moyen Age, on ne porte pas vraiment d’attention aux vestiges du passé hérités des Romains et des peuples « barbares » (les Wisigoths dans notre région). Les monuments antiques sont laissés à l’abandon, transformés ou réemployés. Les arènes deviennent des forteresses surmontées de tours. Les matériaux des édifices sont réutilisés : à Moissac, les colonnes du cloître proviennent de villas et d’édifices gallo-romains. Pour l’homme médiéval, la définition du mot patrimoine ne recouvre alors que les biens ecclésiastiques, les possessions de la papauté en Italie appelées le « patrimoine de saint Pierre » seules dignes d’intérêt (1150).

A l’inverse, c’est plutôt le modèle antique importé d’Italie qui, sous la Renaissance et au temps de la monarchie absolue, est le symbole de la beauté et de l’harmonie. Les monuments et œuvres du Moyen Age sont négligés.

Paradoxalement, l’idée de la sauvegarde du patrimoine architectural est née  au moment de la destruction des symboles de l’ancien régime (châteaux, églises, œuvres d’art) pendant la Révolution française : l’abbé Grégoire, opposant à la Monarchie mais défenseur de l’Eglise s’est insurgé le premier contre le « vandalisme » de son époque (il est à l’origine du mot). Il a obtenu la création des premiers Inventaires de biens artistiques de la Nation qui ont donné naissance aux premiers musées : Muséum Central des Arts (futur Louvre) en 1793 destiné à être le Conservatoire de l’Art Universel, puis le musée du Conservatoire des Arts et Métiers (1794).

            Sous la monarchie de Juillet, en 1830, le ministre Guizot crée l’inspection des Monuments Historiques, structure visant à inventorier l’immense réserve du patrimoine national. Elle permet de promouvoir des « lieux de mémoire », tels les châteaux, les églises, les archives (1880), de retrouver ainsi les fondements de l’Unité Nationale et de légitimer le règne de Louis –Philippe. On ne s’intéresse alors qu’aux grands édifices.

Prosper Mérimée fut inspecteur des Monuments Historiques de 1834 à 1860. Avec l’architecte Viollet-le-Duc, il entreprend de restaurer et de valoriser les monuments du XII°siècle (l’abbatiale de Vézelay, les églises de Saint Germain des Prés, Notre Dame de Paris, la cité de Carcassonne…). A cette époque, l’intérêt se tourne à nouveau vers l’architecture du Moyen Age (art roman, art gothique) délaissée aux siècles précédents mais redécouverte par de grands écrivains comme Chateaubriand dans son Génie du Christianisme et Victor Hugo dans Notre Dame de Paris.

 Les monuments historiques importants, sous la Troisième République , sont classés et ainsi mieux protégés. En 1913, 4800 monuments d’intérêts régionaux et locaux sont aussi classés mais ce n’est pas suffisant : une partie du cloître de Saint Guilhem le désert et la moitié de celui de Saint Michel de Cuxa partent à New York au musée des Cloisters.

Après le choc des deux guerres mondiales et l’ampleur des destructions causées, Malraux, ministre de la culture de la Cinquième République, crée l’Inventaire Générale des richesses monumentales de France en 1964. Il impose la notion de « secteur sauvegardé », au moment où des quartiers anciens  étaient menacés de destruction dans de nombreuses villes.  Le patrimoine industriel est aussi reconnu, permettant de revaloriser le XIX°siécle industriel et minier perçu jusqu’alors de manière négative, intégrant par là même, l’univers du monde ouvrier et sa mémoire.

De 1970 à 1980, une réflexion se développe sur le patrimoine immatériel composé des savoir-faire, des coutumes, des traditions orales (proverbes, légendes) et des langues régionales. Ce patrimoine  ethnologique est recensé et des actions pour le préserver de l’oubli sont menées : entre autres, création de nombreux écomusées et réintroduction des langues régionales à l’Ecole.

La Charte de Florence en 1982,  décide d’étendre la protection de l’Etat aux Jardins Historiques : l’environnement immédiat des monuments (parcs, jardins), le cadre qui les met en valeur est pris en compte.

Le Ministère de la Culture auquel appartiennent les services du patrimoine signe une convention avec le Ministère du Tourisme en 1987, pour mener des actions conjointes afin de faire découvrir au plus grand nombre la richesse du patrimoine national.

XXXX  (patrimoine mondial géré par l’Unesco)

En deux siècles, la notion de patrimoine  a fait son chemin. La France et toute la communauté internationale ont compris l’importance de ces édifices petits ou grands, symbole de la royauté ou de l’église ou simplement du génie rural ou ouvrier, symbole avant tout d’un groupe, qui veut imprimer sa spécificité dans les constructions qu’il érige. Ils portent en eux le message de ceux qui les ont rêvés, conçus et réalisés. Ils définissent des espaces : espace du sacré (l’église), du profane (l’hôtel de ville), espace des hommes (les champs, le moulin), espace des femmes (le lavoir, le potager), lieux de l’intérieur et de l’extérieur (la maison /la rue ; la ville close derrière ses murailles ou son périphérique/ la campagne ou la banlieue). Avec la connaissance du vocabulaire architectural de chaque période et groupe social qu’ils représentent, il est possible d’identifier l’aire culturelle d’un groupe. L’architecture est un langage codifié qui, si l’on possède le code, continue de transmettre dans ses choix de formes, de matériaux, de principes de construction, le message d’une civilisation.

2)  Patrimoine et Education : les classes du patrimoine

Entre les Ministères de la Culture  et de l’Education, un accord est signé en 1988 qui donne naissance aux « classes patrimoine » permettant à un groupe classe de travailler pendant une semaine sur un site monumental (une cathédrale, un château) ou paysager (un jardin, un site entier) avec comme intervenants, des professionnels du patrimoine, des artisans et des artistes. Le financement de ces classes est partagé entre la DRAC (direction régionale des affaires culturelles) et  l’Inspection académique.

Cet accord témoigne de la volonté de faire connaître aux jeunes générations le patrimoine dans son ensemble, architectural, paysager et ethnologique. L’élève apprend également que le patrimoine n’est pas seulement constitué d’objets de valeur exposés dans les musées mais espaces, habitations, monuments, légendes, coutumes, langues, savoir-faire… Découverte également de tous les arts mis en œuvre dans la construction de monuments ou de paysages remarquables. La classe patrimoine crée une rencontre très forte, un rapport sensoriel et affectif avec les témoignages de l’Histoire. Elle propose une approche chargée d’émotions semblables à celles que les premiers voyageurs ont du connaître en  découvrant les trésors légués par les générations qui les ont précédés (récits de voyage de Diderot, Mérimée, Stendhal …).

Cette nécessité de rapprocher les jeunes de leur patrimoine a été ressentie également sur le plan international et européen. En 1989, l’association « Jeunesse et patrimoine international » a organisé un colloque à l’Unesco sur l’éducation et la formation initiale des jeunes au patrimoine (but : informer et initier les jeunes à la préservation du patrimoine architectural et de son environnement) et le Conseil de l’Europe soutient depuis 1990, les classes européennes du patrimoine ( Mémento sur les classes européennes du patrimoine, Strasbourg, Conseil de l’Europe 1993 ).

L’introduction du patrimoine à l’école fait donc partie d’enjeux nationaux, européens et internationaux. Sensibiliser les élèves au patrimoine n’est pas faire preuve de passéisme ou de fièvre touristique mais manifeste une volonté de les faire accéder  aux racines de notre humanité et de notre Histoire.

3)      Le patrimoine  au service de la construction de l’enfant :

une réponse à des intelligences différentes

 

Les élèves sont à la fois tous identiques et différents. 

a)     Ils sont identiques dans la mesure où :

Ø      comme le dit Mérieu dans Apprendre , oui, mais comment ? (ESF 1987), les enfants apprennent mieux lorsqu’ils confrontent des points de vues différents entre eux (et avec la médiation du maître), qu’ils sont amenés à argumenter, à justifier et à se mettre d’accord pour arriver à une synthèse collective. Dans l’enseignement transmissif, il n’y a pas de confrontation avec l’adulte qui est sensé détenir un savoir qui ne se discute pas. Le résumé qui est donné à la fin de la leçon n’est pas non plus le fruit de négociations et de recherches. 

  • tous mettent en œuvre aussi les mêmes opérations mentales , à savoir :

-         l’induction  en confrontant des éléments pour en faire émerger les points communs

-         la déduction en tirant des conséquences d’un fait

-         la dialectisation  en mettant en relation des éléments opposés

-         la divergence en associant pour créer du nouveau.

-         le questionnement (qui, quoi, quand, où, comment, pourquoi) pour émettre des hypothèses et tenter ensuite de les valider. 

Il ne s’agit pas de faire réinventer par les élèves des siècles d’acquis mais de leur faire découvrir comment se construit l’Histoire (car elle n’est qu’une reconstruction humaine qui varie au fil du temps et des idéologies dominantes) et que tout le monde peut entrer dans cette démarche qui n’est pas réservée au monde savant. 

b)      Ils sont tous différents :

Il n’y a pas deux élèves qui apprennent de la même façon entre :

-     ceux qui sont plus auditifs que visuels (cf  de La Garanderie) 

-       ceux qui préfèrent le travail individuel, ceux qui privilégient le travail de confrontation avec le groupe

-         ceux qui sont rapides et ceux qui ont besoin de temps .

Pour tous, il faut varier les approches  pour que chacun puisse appréhender le savoir à sa manière.

-   enfin, il y a ceux  qui, pour appréhender une notion, ont besoin de la vivre , de passer par l’émotion et les sens avant de pouvoir l’intellectualiser (dire, écrire sur, rechercher des informations). Cette approche kinesthésique des notions a longtemps été l’apanage de l’enseignement maternel : regarder, toucher, sentir, écouter, goûter, expérimenter et  construire sont autant d’actions qui mettent les sens de l’enfant en éveil, qui lui procurent des sensations, des émotions,  qui sont la première étape avant l’acquisition du langage et qui accompagnera l’émergence du  langage et celui de la pensée tout au long du développement de l’enfant.

Trop vite à l’école élémentaire, on a eu tendance à restreindre cette phase de confrontation physique avec les objets à découvrir et à ne travailler qu’au niveau de l’intelligence langagière ou l’intelligence logico-mathématique. (Ce sont les deux types d’intelligence qui sont le plus valorisés et qui font l’objet d’évaluation dans la plupart des examens.)

On remarque cependant que le contact avec les objets (leur montage et démontage, leur fabrication), les monuments (les toucher, les sentir, les écouter,  en apprécier le rayonnement, les mesurer, les reproduire, faire des maquettes ) ou les techniques héritées de savoir-faire professionnels tel que l’art du vitrail, de la sculpture, la calligraphie permettent de faire accéder les élèves , sans avoir recours tout d’abord au langage, au coeur d’une époque de l’Histoire. Cette intelligence qui passe par le corps se manifeste également dans la danse, le mime et les jeux de rôles au théâtre qui permettent de vivre et d’exprimer aussi bien qu’avec des mots, des faits, des relations,  des atmosphères,  des coutumes qui font l’Histoire. 

Le patrimoine paysager, architectural ou immatériel permet ce contact premier , cette relation directe entre l’élève et l’objet historique. La pédagogie du patrimoine sollicite les intelligences diverses des élèves dans leur capacité à ressentir, construire puis dire le patrimoine et au travers lui l’Histoire qui lui a donné le jour.

3.     La pédagogie du patrimoine au carrefour de l’interdisciplinarité

  La réflexion que je mène sur la pédagogie du patrimoine a commencé en 1996 et s’est étoffée au cours de ces six dernières années grâce aux stages de formation continue, aux animations pédagogiques, à la participation à un concours sur le patrimoine et à une classe patrimoine sur le site de Cahors. Elle se concrétise par la participation avec les autres enseignants de l’école de Montcuq à un projet Comenius (2000-2003) s’intitulant « Expériences sur la pédagogie du patrimoine : vers l’Europe, cheminant sur les grands itinéraires médiévaux », action qui permet de continuer notre recherche et d’échanger nos réflexions et nos pratiques avec les partenaires français, allemand, espagnol et italien du projet. Elle a permis de dégager une démarche, fil conducteur d’une approche du patrimoine qui se déroule en quatre temps : 

1-      la découverte spontanée : à l’école des cinq sens ou la réponse à « Comment c’est… ? »

2-      l’approche par les arts : à l’école des arts ou la réponse à « Comment faire… ? »

3-      l’analyse et l’institutionnalisation: à l’école de la documentation ou la réponse à   « Pourquoi c’est… ? »

4-      la production et la communication : à l’école de l’informatique et d’Internet ou la réponse à  « comment le dire ? »

 
1/ La découverte spontanée
 

Elle s’effectue dans le cadre d’une sortie exploratoire, à la découverte du patrimoine

- une approche sensible : « dire comment c’est… »

regarder, écouter, sentir, toucher, goûter 

            Regarder du plus large au détail, s’intéresser aux formes, aux volumes, aux matériaux, aux jeux de la lumière et de l’ombre, aux couleurs, aux bruits, aux odeurs.

 

5-      des jeux qui aiguisent l’approche sensorielle :

·        déambuler en ne notant que les couleurs, les bruits ou les matériaux

·        découvrir un monument les yeux bandés par le toucher ( aspect, température, résistance, régularité) et le décrire

·        regarder un paysage à travers un cadre (fenêtre de carton évidé) ou à l’aide d’un miroir

·        regarder de tout près, le nez sur le monument ou allongé sur le sol (contre-plongée) et noter ses impressions

·        prendre des photos du tout ou d’un détail

·        dessiner les grandes lignes, toutes les horizontales ou les verticales ou les courbes ;

·        faire une banque de mots à partir de  ce que l’on voit, on sent et ensuite écrire un poème

·        chercher des  lieux  dans le village qui évoquent les cinq sens (ex : boulangerie : goût, odorat)

          Avant de parler sur …ou de commencer toute tentative d’explication, il est bon que l’élève entre en communication avec l’objet de sa recherche. Le monument ou le paysage « parle » au flâneur attentif : il faut d’abord restaurer cette communication primitive qui se passe de mots, de langues et qui détient un code universel que chaque société connaît consciemment ou non et a voulu transmettre. Il faut laisser le monument s’imposer, envahir celui qui le regarde.

 
2/ L'approche par les arts
 

         Agir est la deuxième étape qui permet d’affiner le premier contact avec l’objet d’étude

6-      une approche artistique  ou le Comment faire ?

        La pratique des arts permet d’appréhender le patrimoine par le geste et le corps tout entier. La danse, par exemple, réussit à traduire les émotions et les sensations que fait naître le patrimoine : la force, la douceur, la tranquillité, la gravité, l’humilité. On ne ressent pas les mêmes impressions dans un cloître ou un château fort, dans la cuisine d’une ferme du 19°siècle ou l’escalier monumental du Conseil Général.

 

7-      des expériences menées en classe : faire un vitrail qui représente le village, réaliser un alphabet en calligraphie à partir de formes relevées dans un parcours découverte, modeler un chapiteau ou créer une fresque à partir des représentations du Moyen Age sont autant de pistes qui font aborder le patrimoine de l’intérieur, le font vivre et parler. (Quelques-unes de ces expériences et d’autres seront développées dans la partie suivante : Pratiques de classe).

D’autres travaux plus modestes ont également été effectués pour que les élèves s’approprient l’élément du patrimoine étudié tels que réaliser des croquis, tracer un cheminement sur un plan, comparer ce que l’on voit (ex : une rue ) avec une photo aérienne (rue vue du dessus pour lire à travers le bâti).

 

        Lors de cette appropriation du patrimoine par le geste et la création, différents types d’intelligence sont sollicités : l’affectif, l’émotionnel, le sensoriel et le moteur. Cette phase d’appropriation du patrimoine ainsi que l’approche sensible a souvent permis de raccrocher à la classe des élèves en difficulté scolaire.

En passant par les sens, le geste et le jeu, le patrimoine permet de réconcilier souvent l’élève et l’école, de redonner du sens à son apprentissage.

 
3/ Analyse et institutionnalisation
 

Ce troisième volet de la démarche répond aux objectifs que l’enseignant s’est fixé avant d’entamer son travail :

-   Que veut -il faire découvrir aux élèves ?

- Quelles notions historiques , géographiques veut-il faire émerger de cette rencontre avec le patrimoine ?

 Cette phase d’analyse permet de partir du vécu et du ponctuel pour parvenir à une généralisation puis une modélisation qui permettra un transfert de connaissances sur un autre objet d’étude , dans un autre lieu. Elle permet de dégager la fonction d’ un monument, son rôle, son rayonnement, de dégager son sens en fonction de l’époque où il est apparu et ensuite de généraliser à d’autres monuments construits sur le même modèle ou  en rupture avec le modèle proposé (voire l’évolution des châteaux, des églises , des villes  au cours des siècles).

 

       Elle  s’organise à partir de comparaisons avec d’autres documents (diapositives , photos), de confrontations avec des textes, de l’utilisation de cartes, de plans d’époques et d’échelles différentes, d’un travail sur fiches qui aident les élèves à faire émerger leurs connaissances et à les fixer,  de repérages sur la frise chronologique. Elle s’effectue en groupe (avec l’aide de l’enseignant si le besoin s’en fait sentir), avec des moments collectifs qui permettent de suivre l’avancée des recherches au niveau de la classe.

A la fin de cette phase, les savoirs des élèves doivent avoir été mis en place et peuvent donner lieu à une évaluation.

 
4/ Production et communication
 

L’élève doit être capable à ce stade de produire un document qui rend compte de l’état de ses connaissances à base de textes, schémas, photos, poèmes et dessins. Ce travail s’effectue en groupe et pourra faire l’objet d’une communication sur le site de l’école qui pourra être consulté par les partenaires du projet, mais aussi les parents et les autres écoles ou paraîtra dans un dossier. Il permet à l’élève  et à l’enseignant de se rendre compte si les connaissances sont maîtrisées et s’il est capable d’en redisposer.

     Pour cette phase, le maître reste un médiateur qui intervient si les élèves en éprouvent le besoin.

     Enfin, l’usage de l’informatique est requis pour mettre en page , numériser et insérer les documents nécessaires avec l’aide d’une aide - éducatrice (quand l’école peut en disposer).

  Cette démarche montre que la pédagogie du patrimoine est une pédagogie active qui met l’élève dans sa globalité (sens , corps, processus mental) au cœur des apprentissages. Elle met en œuvre de multiples savoir-faire et permet à de nombreuses disciplines de se croiser, de se compléter au service non seulement de la construction de l’Histoire mais aussi du développement de l’enfant. Le tableau suivant présente quelques disciplines qui entrent en jeu dans une pédagogie qui prend appui sur le patrimoine.
  Sommaire Introduction L'Histoire Le patrimoine Expériences Evaluation Bibliographie
Expériences sur la pédagogie du patrimoine
 

Des itinéraires culturels de découverte au service de l’apprentissage de l’Histoire : Pratiques en classe de CM1/CM2  (années 2000 - 2001 - 2002) 

Ces itinéraires de découverte ont été menés à partir de trois axes principaux  autour desquels s’organisent l’étude du Moyen Age :

1.      la ville au Moyen Age : réflexion sur l’urbanisme et l’aménagement de l’espace à partir des exemples de Montcuq et de Cahors.

2.      Les  grands axes de communication au Moyen Age : le chemin de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle de Conques à Moissac en passant par Montcuq ,  la rivière Lot (2003)

3.      L’église au Moyen Age : architecture  et art roman à Catus, Rouillac et Moissac  

1. La ville au Moyen Age

 
Montcuq
Cahors

a)      Approche sensible

 

- Découverte de Montcuq ( septembre 2000/ février 2001) de loin (l’autre versant ), d’en bas ( de l’école ) , d’en haut ( de la tour)

- Découverte déambulatoire à la recherche du « très haut » : tour, clocher de mairie, clocher d’église ; des oppositions : rues droites/ labyrinthe, ouvertures/ fermetures : portes, fenêtres, murs, remparts ; minéral /végétal : les jardins de Montcuq ; les matériaux (pierre, bois, torchis), les formes…

(Les élèves réalisent des croquis)

 

 

b)      Approche par les arts

Réaliser un jeu de l’oie « Montcuq aux sept tours » ou le séjour d’un pèlerin du Moyen Age à Montcuq. Les 63 cases représentent des éléments de l’architecture de Montcuq dessinés par les élèves.

Les questions à choix multiples proposées par les élèves pour les cartes du jeu portent sur -  l’architecture : carte  « porte »

      -  l’histoire :carte « monstre »

      -  la géographie : carte « fenêtre »

-  les plantes : carte « jardins »

___________________________________

c)      Analyse et institutionnalisation

- A partir de photos aériennes, de plans, de cartes postales, retrouver les différentes étapes de la construction et du développement de la ville de Montcuq du Moyen Age à nos jours.(utilisation du calque) . Comparer avec d’autres villes.

- Etude des différents pouvoirs dans la ville  à partir de 3 bâtiments : la tour, l’hôtel de ville , l’église ( leurs rôles, leurs oppositions).

- Etude du patrimoine architectural civil (maison de marchand à pans de bois) et militaire (la Tour)

- Définir la notion de ville au Moyen Age

d)      Production

- Montcuq raconté par son architecture.

- Jeu de piste en cours de réalisation.

a)      Approche sensible

 

A partir du Mont saint Cyr (octobre 2001) découvrir la ville à travers

-         ses bruits (yeux fermés)

-         sa forme

-          ses couleurs dominantes (rouge, blanc, vert, bleu)

-         ses odeurs

-         sa texture serrée, lâche

-          son orientation (par rapport au soleil, au sens du courant de la rivière),

-          les élèments dominants du paysage : ponts, cathédrale, tours.

 

b)      Approche par les arts

Réaliser un alphabet à partir de formes architecturales trouvées dans la partie médiévale de la ville (calligraphe : Riboulot)

-cathédrale Saint Etienne (    )

- cloître gothique flamboyant (    )

- maison du Bourreau : maison de marchand du XIII°siècle

- Hôtel Roaldes : maison Renaissance(   )

1.      Prises d’indices sur ces bâtiments représentatifs d’une époque, d’une fonction  et d’un style architectural.

2.      Réalisation de l’alphabet

c)Analyse et institutionnalisation

A partir de photos, plans, schémas, dégager la notion de ville close ( la ville entourée de remparts à l’ouest- Boulevard Gambetta- et au nord - Barbacane, porte saint Michel- et cernée par le Lot).

Etude du patrimoine architectural

- religieux : une église à coupoles comme à Constantinople et à Périgueux, étude du tympan, son sens. La puissance de l’Eglise à Cahors : le seigneur de Cahors est aussi l’évêque (cumul des pouvoirs)

- civil et marchand : étude de façades, choix des matériaux, l’usage de différents étages. Cahors , une grande place marchande et financière au Moyen Age

d)      Production :

-  Compte rendu de l’étude du paysage

-   Fiches sur les bâtiments.

 

   
  2. Les grands axes de communication au Moyen Age
 
  • Le chemin de pélerinage de Saint Jacques de Compostelle, de Conques à Moissac en passant par Montcuq

      a) Approche sensible :

    -         Découverte d’une partie de la via Podiensis (axe Le Puy en Velay- Saint-Jacques- de- Compostelle) : Cheminer de  Montcuq à Rouillac (septembre 2000)

                                  Cheminer sur le GR 65 au départ de Conques (juin 2001)

           Etre attentif et noter les impressions (chaleur, fatigue, faim, soif, envie de s’arrêter, plaisir de l’étape), les odeurs, la végétation, les types et formes d’habitat (ferme, château, chapelle et les croix qui jalonnent le chemin : les trois ordres de la société au MA), les rencontres (marcheurs et pèlerins ). Collecte de mots et rédaction de poèmes.

            S’intéresser à l’orientation : marche du nord-est au sud-ouest, de l’Orient où naît le Soleil, vers l’Occident où se meurt le soleil (occidere : mourir), à l’équipement du marcheur moderne comparé à celui du pèlerin (bourdon, besace, calebasse, capuchon et chapeau).

    -         Découverte du jardin du pèlerin à Lauzerte en Tarn et Garonne (mars 2002)

           Ce jardin symbolise les différentes étapes et épreuves physiques et morales que rencontre le pèlerin sur le chemin (solitude, peur, froid, maladie, mort, mais aussi gaieté, courage, espoir, force, étonnement…). Les élèves le découvrent au travers de la végétation qui le compose( les plantes pour se nourrir, guérir, apaiser…, les plantes symboles de l’amour, du désespoir, de la paix, de l’éternité….), l’architecture au travers des photos représentant l’auberge, le pont, le puits,  la chapelle, la cathédrale… , les chansons, légendes données dans quatre langues.

    b) Approche par les arts:

    Découvrir les grands pèlerinages par le théâtre. (avril à juin 2001)

    • Mise en scène d’un album jeunesse : Sur les chemins de Saint Jacques Edition Nord Sud inspiré d'une légende extraite de La légende dorée de Jacques de Voragine (intervenant : P Larroque de La troupe en boule).
    • Cette activité s’étend sur 7 semaines (travail théâtral à proprement parler) mais a  commencé par l’étude de la légende ( caractéristiques et fonctions des personnages ), problématique à résoudre, étude des lieux  (un village avec ses commerçants, ses fêtes, ses croyances), les étendues  désolées à traverser, la découverte d’un monastère ou d’un simple gîte qui réchauffe le corps et l’esprit, la traversée des Pyrénées, l’arrivée en Espagne et la rencontre des bandits, la justice espagnole et comment les croyances  sauvent le héros malheureux de la pendaison qui l’attend.
    •  Cette légende fait partie du patrimoine immatériel issu de la culture d’un peuple et transmis oralement le long des chemins, de groupe en groupe, à travers le temps. Elle avait pour fonction, comme toutes les histoires, de distraire, de faire paraître le temps moins long, mais aussi de redonner courage à celui qui était sur le point d’abandonner cette longue et pénible marche vers Compostelle. Tout est évoqué dans cette légende : un village fait de relations entre les hommes, de fêtes, de chansons, de danses et de travail aussi ; des croyances  très fortes  qui orientent le cours de la vie, des dangers qui guettent le pèlerin (le froid, la faim, l’errance, la fatigue, la perte de son chemin, les agressions, les vols, la maladie, l’épuisement, la mort), l’espoir de triompher de tous les obstacles et de ses propres faiblesses et l’immense joie de la tâche accomplie et de la réussite de son aventure.
    • Le théâtre, en quelques tableaux, permet de rendre visible mais surtout de faire ressentir aux élèves toute une partie de l’Histoire avec ses enjeux humains, spirituels économiques. Cette pièce a été jouée à MONTCUQ  et à CONQUES en juin 2001. La qualité du regard et  l’écoute des spectateurs  de CONQUES nous a permis de penser que nous avions réussi à réveiller l’esprit du Moyen Age.

    c)  Analyse et institutionnalisation

    -         Etude des grands axes de pèlerinage à partir de fiches créées par l’école (origine du pèlerinage, les attributs du pèlerin, croisades et pèlerinages…)

    -         Etude de cartes historiques : les voies de pèlerinage en Europe et repérage des grandes villes qu’elles traversent notamment celles qui sont dans le projet européen.

    -         Aperçu du patrimoine architectural religieux le long de ces chemins (diapositives)

    -         Les motivations des pèlerins : lecture suivie des Pèlerins maudits d’Evelyne Brisou-Pellen (Folio Junior) : raisons religieuses, artistique, économique, pénitentiaire, politique

    -         L’essor du pèlerinage : Il a commencé avec Charlemagne au IX°siécle et a connu son apogée au XI° et XII° ( à comparer aux autres pèlerinages vers Jérusalem, Rome et la Mecque)

    -         Les chemins de pèlerinage aujourd’hui (enquête auprès de l’Office du tourisme)

    Importants pour l’économie des régions qu’ils traversent car ils développent le tourisme et tous les services qui en dépendent. Ils ne sont pas pratiquées uniquement pour des raisons religieuses mais aussi pour des raisons culturelles, artistiques (histoire de l’art), philosophiques, écologiques et sportives.

            Ces recherches ont permis de comprendre que les grands axes de communication au MA sont déjà des grands axes européens qui ont véhiculé des idées, des savoir-faire, des croyances, des marchandises, qu’ils sont avec les voies romaines les premiers couloirs de circulation des peuples.

    d) Production et communication

    -         spectacle théâtral joué à Montcuq et Conques

    -         compte-rendu et poèmes sur la randonnée de Montcuq à Rouillac (site Internet)

    -         textes et compte rendu de la visite du jardin de Lauzerte (site Internet)

  3. L’Eglise au Moyen Age :
 
  • étude de l’architecture sacrée à Rouillac, Catus et Moissac. 

La ville, le village au Moyen Age sont d’abord bâtis autour de l’ église qui représente le cœur de la cité. L’Eglise est puissante au Moyen Age et bien après: tous les rois et empereurs , de Clovis à Napoléon  1er, ont demandé son aval pour pouvoir gouverner avec le soutien des évêques tout- puissants. Le pouvoir qui est reconnu à l’Eglise provient du sentiment de fragilité et d’ignorance que ressent l’homme face à l’univers , aux mystères de la vie et de la mort. L’Eglise offre une explication du monde et de l’existence de l’homme : elle représente la culture face à la nature (seuls les clercs sont des lettrés qui ont la main mise sur les bibliothèques et l’enseignement), la médecine (les hôpitaux sont gérés par les gens d’église), les arts (l’Eglise et l’idée du sacré ont été le moteur  de toutes les recherches et prouesses architecturales et artistiques au MA).

Ainsi , l’Eglise règne en maître sur l’esprit, l’âme et le corps de l’homme médiéval.

 

La chapelle de Rouillac

Le prieuré de Catus

Le cloître de Moissac

a)      Approche sensible

Rouillac : septembre 2001

  • Entrer dans la chapelle un par un ;
  • aller vers l’endroit le plus clair, le plus sombre,
  • écouter, sentir, rester quelques instants à l’endroit où on se sent le mieux,
  • choisir une forme architecturale qui plait, qui se répète.
  • Ressortir en silence et noter tout de suite ses impressions.
  • Comparer avec l’extérieur : agitation, fatigue, soleil, éclats de voix.

Par petits groupes, découvrir les fresques du chœur : repérer les personnages (nombre, sexe, attitudes et attributs, mouvements), les paysages dans lesquels ils se trouvent. Chercher le sens de la lecture des fresques .

Catus : mars 2001

  • Regarder le prieuré de tout près, de très loin ; le comparer à un animal, à un paysage
  • Trouver les sept erreurs dans une photo qui représente la façade occidentale (pour apprendre à bien observer) puis dessiner la façade .
  • Ecrire un petit texte à partir de ses impressions.
  • Découvrir les chapiteaux du cloître et de la salle capitulaire : le fantastique avec des hommes à barbe de serpent, des chapiteaux à dessins géométriques (lignes),puis à décors végétaux et animaux et enfin historiés : on a en raccourci l’histoire de la création du monde.
  • Dessiner le chapiteau qui  plait le plus et écrire un texte qui le raconte.

b)      Pratiques artistiques

Pour aborder le patrimoine sacré, nous avons choisi la danse qui a fait l’objet d’un atelier de pratique artistique  avec la chorégraphe Claire Amiet

Objectifs poursuivis :

  • Favoriser l’accès à une relation sensible et intelligente de l’œuvre d’art pour une imprégnation culturelle.
  • Exprimer la compréhension du patrimoine sacré et des émotions qu’il fait naître par la gestuelle et la danse .
  • Amorcer une approche plurielle du patrimoine : le repérer avec ses codes, ses symboles, le voir, le sentir et le faire revivre avec son corps.
  • Croiser les formes d’art et comprendre la complémentarité des formes d’expression : architecture, sculpture, géomètrie, dessin, danse, écriture.

Contenu de l’atelier :

  • Après une visite sensible de chaque lieu patrimonial, les élèves ont traduit l’architecture sacrée par un langage  émotionnel et corporel fait de déplacements, rencontres, nuances rythmiques et formes corporelles.
  • Chaque séance a permis de nombreuses interrelations dans les groupes : recherches collectives, discussions, lecture de la danse des autres, élaboration et réalisation de projets décidés en  commun

c) Analyse et institutionnalisation

  • Retrouver l’histoire du prieuré de Catus : date de construction, origine , pouvoir des réseaux monastiques , rôle spirituel et économique de ce prieuré dans son site, évolution de ce bâtiment dans l’Histoire (destruction, vente, réhabilitation). Fouilles de 1995 qui ont permis de découvrir les vestiges d’un très beau cloître.  Travail sur plan et documents. Collaboration de Colette Chantraine , guide conférencier de Cahors.
  • A partir de fiches, étude de l’architecture religieuse (cathédrale, abbaye, cloître) et du rôle de l’Eglise au Moyen Age

d)      Production et communication

  • dossier sur la chapelle de Rouillac avec étude des fresques, production sur le site
  • création artistique en danse présentée à Cahors (rencontre danse), Conques et Montcuq.

a)      Approche sensible

Moissac : mars 2001/janvier-mars 2002

  • Découvrir le tympan de l’abbatiale en laissant aller librement le regard.
  • Relever les éléments dominants , leur répartition (structure circulaire à partir du centre qui attire le regard : Christ entouré d’animaux, d’anges encadrés de rangées de vieillards admiratifs) .
  • Parler des attitudes, du symbolisme des animaux.
  • Lecture d’un passage de L’Apocalypse selon saint Jean qui donne une interprétation du tympan.
  • Jouer le tympan : chaque élève prend la     place d’un personnage du tympan.
  • Dessiner un personnage ou un animal

Le cloître :

  • Entrer en silence,  faire le tour du cloître,
  • être attentif aux jeux de lumière dans les galeries,
  • écouter le silence, le bruit des pas ,
  • regarder le cloître du centre du jardin , d’un angle d’une galerie

Les chapiteaux :

Par deux ou trois:

  • prendre la pose des animaux  (opposition, association)
  •  mimer les 4 faces d’un chapiteau historié
  • choisir un mode de déplacement qui se modifie devant chaque passage de colonnes simples ou doubles, répéter ce déplacement, tout autour du cloître.
  • « croquer le cloître » : par binôme, étude de la symétrie et de la perspective dans le cloître, faire des croquis d’animaux fantastiques et réels, de motifs végétaux, collecter les différents motifs de frises sculptés sur les tailloirs, recherche du sens de lecture d’un chapiteau historié , la reproduire en 4 vignettes.

b)      Pratiques artistiques

Cette approche de l’art roman a été réalisée en collaboration avec l’artiste plasticienne Petra Tamboer.

Objectifs poursuivis :

  • Comprendre une démarche d’artiste : traduire ses idées en matière.
  • Comprendre le sens d’une création à travers les manifestations de l’art roman.
  • Apprendre à travailler la matière    (peinture a tempera ou travail de la terre)
  • Etudier l’Histoire à travers les monuments du patrimoine.
  • Placer  la connaissance du patrimoine local au service du développement de  la citoyenneté chez l’enfant : s’exprimer sur sa recherche, dialoguer avec le groupe, développer son autonomie et sa confiance en soi

Contenu de l’atelier :

  • Faire une composition à partir des éléments du cloître qui propose une nouvelle lecture de la place de l’Eglise dans ses rapports au monde : réalisation de 4 panneaux peints à la tempera (travail de groupe)
  • Créer un chapiteau en terre (travail individuel): raconter une histoire que l’on veut léguer aux générations futures (en préalable, analyse des « histoires »racontées dans le cloître, recherche des éléments clés ; étude de contes du monde entier pour le message qu’ils transmettent à l’humanité)

c) Analyse et institutionnalisation 

  • Reconstruire l’histoire de l’abbaye de Moissac : origine, rôle , extension et ramifications, évolution ( destruction pendant la Révolution et les Guerres de religion, menace de disparition au moment où le chemin de fer devait passer sur le cloître au début du XX°siècle) , vie quotidienne (importance du scriptorium et de l’atelier d’enluminures).Collaboration de Marine Caron,  guide conférencier de Moissac, recherche de documents.
  • A partir de fiches, étude de l’architecture religieuse (cathédrale, abbaye, cloître) et du rôle de l’Eglise au Moyen Age

d)      Production et communication

  • dossier sur l’abbaye de Moissac et production sur le site Internet (encours)
  • création plastique : panneaux et sculpture de chapiteaux. Exposition pendant la quinzaine des arts (2002).
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Evaluation, critique et perspectives
 

Au terme de cette étude, il convient maintenant d’évaluer les résultats tant dans le domaine de la construction des savoirs de l’élève que dans celui de son propre développement .

Quelles compétences ont-elles pu être acquises ? Quels savoir-faire et savoir-être les élèves se sont-ils appropriés ? Nous avons retenu quelques critères pour juger de l’impact d’une telle approche de l’Histoire et nous les avons défini en termes de:

  • motivation des élèves
  • éveil de la curiosité, désir de s’informer
  •    développement de l’esprit critique
  •    développement de la créativité et de l’imaginaire
  •   développement de l’autonomie
  • apprentissage de la responsabilité
  • apprentissage du travail en groupe
  • amélioration de la qualité d’écoute et des échanges
  • respect du travail d’autrui et coopération

A ces critères généraux qui portent sur le comportement des élèves , ajoutons les objectifs plus spécifiques à l’Histoire qui sont :

  • s’ouvrir au monde ici et là-bas et mieux le connaître
  • donner du sens au monde en percevant les interrelations qui le composent
  • être plus sensible et préoccupé de la préservation du patrimoine naturel, architectural et culturel
  • renforcer l’identité de l’enfant par la connaissance de son héritage patrimonial
  • connaître les grandes étapes de l’Histoire de son pays et du monde.

et demandons-nous si le travail engagé a permis d’atteindre ces objectifs.

Sans entrer dans le développement de l’ensemble de ces paramètres d’évaluation , nous pouvons affirmer que le contact direct avec le patrimoine qu’il soit bâti, naturel ou ethnologique semble tout d’abord avoir réconcilié l’élève avec le monde qui l’entoure : il ne vit plus l’école comme une séparation d’avec le monde qu’il connaît. L’étude du patrimoine permet de faire un pont entre la vie et l’école. L’enseignement retrouve du sens : il permet de mieux comprendre le signification des objets ou monuments qui l’entourent, de créer des liens entre les traditions, les fêtes, les légendes, les savoir-faire ou les langues qui appartiennent à l’ensemble de la communauté dans laquelle il vit.

J’ai donc pu voir à de nombreuses reprises des élèves peu intéressés par l’école, s’épanouir, être motivés, écouter, poser des questions, s’exprimer sur ce qu’ils savaient déjà lorsqu’ils devaient tenter de comprendre l’évolution de leur ville ou le sens des différentes fêtes qui rythment notre vie. Ces élèves parce qu’ils avaient pu sentir, toucher, dessiner, mimer le patrimoine ou écrire librement sur lui ont pris conscience de l’existence de ce pan de l’Histoire qui s’ouvrait à eux ; par la danse, la sculpture, le jeu théâtral, sans recourir au langage et aux idées , ils ont pu vivre les éléments forts du Moyen Age et ensuite, riches de cette première expérience, ont été capables , en groupe ou seul, de rechercher des documents, d’en extraire l’essentiel afin d’arriver à une connaissance moins ponctuelle,  plus générale des notions historiques à découvrir.

L’entrée dans l’Histoire par le patrimoine semble donc répondre au souci de l’enseignant de faire acquérir des connaissances à ses élèves mais aussi de le faire devenir acteur de sa formation, responsable , autonome et créatif. Les travaux menés souvent en groupe ont favorisé un travail d’écoute, d’entraide, d’échanges et de collaboration

  Quelles sont cependant les limites de cette approche?
 

Comme toute pédagogie basée sur la découverte par l’élève et la construction de savoirs par celui-ci , cette démarche est coûteuse en temps car ce n’est pas la rencontre fugace avec un objet patrimonial qui peut mettre en marche tout un processus de réflexion et de prise de conscience chez l’enfant. Il faut donc multiplier les rencontres, ne pas intervenir trop vite, laisser l’élève s’imprégner par les sens et s’approprier le patrimoine par les arts, lui redonner le plaisir de la découverte dans la liberté, avant de passer à la construction de l’Histoire.

Elle nécessite d’être complétée par l’enseignant et les professionnels du patrimoine car l’élève ne peut tout découvrir seul (apport de documents, aide à la recherche d’informations, aide à la synthèse).

Si elle permet d’acquérir des connaissances , elle ne résout pas le problème de l’appropriation de ses connaissances et de leur réinvestissement : les connaissances restent longtemps liées à leur support et ne sont pas facilement transférables chez certains élèves. Ceux, attirés par l’approche sensible et artistique , source de surprise et de plaisir, peinent parfois à faire émerger des concepts plus difficiles à cerner , à retenir et à réinvestir . 

Quelle perspective pour cette entrée dans l’Histoire par le patrimoine ?

Cette manière d’aborder l’Histoire change définitivement le regard de l’élève sur le monde qui l’environne et l’histoire des hommes dont il est porteur. Je pense que si cette éducation au patrimoine est commencée dès l’école maternelle et poursuivie au collège et au lycée, elle peut réellement faire de l’élève un citoyen responsable, défenseur de son Histoire  bien qu’ étant capable de porter un regard critique sur elle , acteur conscient dans sa ville, tourné vers l’avenir et protecteur du passé et des valeurs dont il est héritier . 

C’est donc sur le long terme que l’on doit et peut transformer le regard des élèves et leur rapport au patrimoine et à l’Histoire. Objectif majeur qui donnera à l’élève le moyen de trouver ses racines et en même temps une ouverture d’esprit tournée vers le reste du monde.

  Sommaire Introduction L'Histoire Le patrimoine Expériences Evaluation Bibliographie
Bibliographie
 

1.      Pédagogie générale

-          Pédagogie de l ‘apprentissage , Altet , PUF 1997

-          L’apprentissage de l’abstraction , Barth , Retz 1987

-          Les courants de la pédagogie contemporaine , Beauté , Chronique sociale 1994

-          Méthodes pour apprendre à l’école, au collège  , Chevalier, Nathan Pédagogie 1987

-          Pour éveiller le désir d’apprendre , Mager, Gauthier-Villars 1972

-          Apprendre… oui mais comment ?, Meirieu, ESF 1985

-          Aider les enfants à apprendre, de Vecchi, Hachette éducation 1992

-          Les intelligences multiples, Gardner, Retz , 1998

 

2.      Textes officiels de l’Education nationale

-          Programmes de l’école élémentaire 1995, Ministère de l’éducation

-          Qu’apprend-on à l’école élémentaire, Les programmes 2002, Ministère de l’éducation

-          Le plan pour les arts et la culture à l’école, Ministère de l’éducation , 2001 

3.      Pédagogie du patrimoine

-          Architecture, patrimoine et création, CAUE du Nord 1998

-          Patrimoine et didactique, méthodes en  pratique, CRDP de Lille 1994

-          La France du patrimoine ; les choix de la mémoire , Sire, Gallimard, 1996

-          « Ma ville ? Qu’est ce qu’elle a ma ville ? », Zay , CDDP de Seine Saint Denis

-          Pédagogie du patrimoine en Europe (T1 :Guérande, T2 : Classe du patrimoine, T3 : Ravenne) , Riffaud, Création et recherche 2000

-          D’une cathédrale, éducation et patrimoine, Riffaud, Création et recherche 1993

-          Le patrimoine urbain dans le quotidien de la classe, CDDP de l’Aube 1993

-          Connaître son quartier,  son village, Apieu, CDDP de l’Hérault 1997

-          Sensibiliser à l’espace construit, CAUE du Doubs 2000

-          Lire sa ville, des activités pour la classe . cycle III et 6°, CRDP de Créteil 1999

-          Comprendre l’architecture, Sicard, CRDP de Grenoble 2001

-          Eveil à l’architecture, Ministère de l’éducation 1982

-          Etudier le patrimoine à l’école, au collège, au lycée, CRDP de Franche-Comté 1999

-          Guide d’observation du patrimoine rural, Ministère de l’agriculture et de la pêche 1999

-          Histoire du paysage français (T1 : le sacré, T2 : le profane), Pitte, Tallandier1989

-          L’architecture rurale en Quercy, de l’abri élémentaire à l’axe du monde, Obereiner, Musée de plein air du Quercy Cuzals 1989

-          L’architecture . Un art, des techniques, TDC 773

-          Les métamorphoses de la ville. Un espace, des territoires,  TDC 774

-          La nature dans la ville. Des stéréotypes à abattre,  TDC 795

-          Le récit de voyage. Par monts et par mots TDC 794

-          Le paysage, enjeu ou décor TDC 738

-          Calendriers et fêtes. Les éternels retours, TDC 766

-          Qu’est ce que le patrimoine ?, TDC 445

 

4.      Pédagogie de l’Histoire

-          Enseigner l’Histoire, un métier qui s’apprend, Le Pellec, CRDP Toulouse, Hachette éducation 1991

-          Situation-problèmes pour enseigner l’Histoire au cycle III, Dallongeville, Hachette éducation 2000sss

-          Comment on raconte l’Histoire aux enfants, Ferro, Payot 1983

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